• Homélie 12è dimanche ordinaire

    Homélie 12è dimanche ordinaire 

    « Passons sur l’autre rive. » « N’avez-vous pas encore la foi ? »

                « Toute la journée Jésus avait parlé à la foule ». Il avait fait un enseignement sur le Règne de Dieu avec 2 paraboles : Celle de la semence semée en terre et celle de la graine de moutarde (Cf l’évangile du dimanche 13 juin). Une parabole est une petite histoire racontée par Jésus qui s’inspire de la vie pour apporter un éclairage sur sa mission et son identité de Christ (de Messie, d’Envoyé de Dieu, de Dieu fait Homme).

                Et l’évangile du dimanche 20 juin commence à la fin de cette journée : « Ce jour-là, le soir venu, Jésus dit à ses disciples : Passons sur l’autre rive. » En lisant lentement cet évangile, je vous invite à découvrir la pédagogie de Jésus : Il fait vivre à ses disciples une véritable parabole en actes !!! Et en conclusion Jésus dit à ses disciples : « N’avez-vous pas encore la foi ? »

    Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc (Mc 4, 35-41) :

                Toute la journée Jésus avait parlé à la foule. Ce jour-là, le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient. Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? ».

                C’est le soir, la nuit commence à arriver et Jésus décide de mettre en mouvement ses disciples et de leur faire vivre un moment de foi et aussi d’interrogation sur sa mission et son identité. Ainsi à la fin de l’évangile « les disciples se disaient entre eux : Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

                Jésus-Christ, qui est dans toute sa personne la Parole de Dieu le Père (son Père et notre Père créateur), traverse la mer de Galilée (appelée aussi le lac de Génésareth (Luc 5,1)) avec ses disciples.

                Dans l’évangile nous lisons que les disciples « emmenèrent Jésus, comme il était » ! Jésus est au milieu d’eux, et c’est dans l’état où il est, qu’il monte dans la barque et qu’il les entraîne sur l’autre rive. A mesure que la navigation progresse, sans doute fatigué par sa longue prédication devant la foule, Jésus « s’endort sur le coussin à l’arrière » de la barque !

                Voici deux indications très importantes qui nous aident à comprendre comment Jésus est présent au milieu de ses disciples (disciples d’hier et aussi d’aujourd’hui que nous sommes).

                La présence de Jésus (qui est pourtant le Christ) n’est pas une présence extraordinaire dans sa manière d’être : Il est là comme Il est. On pourrait presque dire comme l’un de nous, au milieu de nous, cheminant avec nous, partageant chacune de nos journées, capable de ressentir des émotions très humaines, capable d’être fatigué physiquement. Il est présent, et Il dort.

                Cette présence que l’on pourrait qualifier de banale et aussi, en apparence, d’inactive de Jésus le Christ ne correspond vraiment pas à l’image que nous pouvons nous faire du Christ ! En effet, on comprend mieux Jésus quand on le voit par exemple chasser les marchands du Temple (Jean 2, 14…) ! Avons-nous besoin de croire en le Christ qui dort lorsque « survient une violente tempête » ? Voilà le moment important de cette parabole en actes : Les disciples sont en danger car la barque commence à se remplir d’eau et à s’enfoncer. (Dans la tradition chrétienne, l’image de cette barque symbolise l’Eglise éprouvée, persécutée, tiraillée au cours des siècles et encore aujourd’hui.) Les disciples vont-ils mourir avec Jésus le Christ à côté d’eux ? L’image du Christ sommeillant sur son coussin et l’image de la barque qui prend l’eau et qui commence à sombrer ; sont 2 images paradoxales. D’un côté, il y a le sentiment du péril urgent : qu’allons-nous devenir ? qui pousse les disciples à réveiller le Christ et à lui dire : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Et de l’autre côté, il y a l’apparente indifférence du Christ, son immobilité, son abstention de toute action. Jésus dort ! Nous pourrions croire qu’il est absent et qu’il nous abandonne… NON ! Jésus-Christ demeure présent !!! Il s’abandonne à Dieu son Père et notre Père en se reposant en Lui. Sur la croix il a bien dit : « Père, entre tes mains je remets ma vie. » (Luc 23, 46)

                Alors, « réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : Silence, tais-toi ! » Jésus le Christ parle pour faire jaillir la vie et la paix, comme au matin de la création. Après le sommeil dans la tempête, signe de mort, ce réveil de Jésus est Résurrection ! Alors « il se fit un grand calme. » Comme avec Moïse, la mer s’ouvre en chemin de libération. Le passage devient Pâques. L’autre rive vers laquelle les disciples se dirigent est celle de la Résurrection !!!

                Dans cet évangile, l’enjeu c’est la foi : « N’avez-vous pas encore la foi ? » Avec du recul on aurait envie de dire aux disciples : Jésus est au milieu de vous dans la barque. Vous constatez sa tranquillité, sa confiance, et vous, vous vous agitez dès que le vent se lève et souffle fort, comme si votre agitation pouvait faire quelque chose pour sauver la barque ! Croyez-vous vraiment qu’Il est le Sauveur ? Jésus est monté « comme il était » dans la barque, certes fatigué après une longue journée de prédication, mais surtout avec sa nature divine qui ne peut pas laisser la barque couler ! Mais voilà, la foi des disciples n’est pas encore assez profondément enracinée en eux pour qu’ils puissent se contenter de cette présence discrète et silencieuse du Christ au cœur de l’épreuve. Il faut qu’ils réveillent Jésus !

                Au cri des disciples, Jésus, réveillé, répond : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Sa réponse est étonnante ! La foi, ses disciples l'ont, eux qui ont tout quitté pour le suivre de village en village. Aujourd’hui, la foi, nous l'avons, ou au moins nous la recherchons en participant aux rencontres de notre petit groupe de maison, en priant, en lisant, en méditant la Parole de Dieu, en demandant un sacrement, en venant à la messe…  Mais la foi ne supprime pas la peur face aux tempêtes de la vie ! Il y a la peur de l'inconnu ! En effet, Jésus a dit : « Passons sur l’autre rive. » Mais c'est le soir, la nuit qui tombe et on ne voit pas bien cette autre rive. Chacun pourrait évoquer sa peur du changement. Traverser vers l'autre rive, c'est vivre des passages éprouvants tout au long de notre vie : Vivre une épreuve de santé ; vivre l’épreuve de l’âge qui avance ; vivre un échec ; vivre un changement dans sa vie ; vivre l’épreuve du deuil... Vivre c’est accepter de quitter notre hier pour vivre aujourd'hui et dans l'inconnu de demain ? 

                Cet évangile de la tempête apaisée est réellement une parabole en actes vécue par les disciples hier et que nous pouvons vivre nous aussi aujourd’hui. Et cette parabole nous éclaire à la fois sur la mission, l’identité de Jésus et sur notre foi !

                Quand nous vivons une tempête dans notre vie, reconnaissons humblement que notre foi est encore petite. Notre foi a encore besoin de ressentir quelque chose, de s’appuyer sur des signes, mais c’est une foi quand même, qui se tourne vers Jésus Christ qui est là présent, aujourd’hui avec nous, comme Il était hier et comme Il sera demain. Et nous crions vers Lui : « Cela ne te fait rien de nous voir vivre dans l’épreuve ? » Le Seigneur ne nous en veut pas car Il nous connaît et Il répond à nos prières en commençant par nous apporter sa paix. (« Allez dans la paix du Christ ! ») Bien sûr, nous pouvons rêver d’avoir une foi parfaite, complètement accomplie, qui se contenterait de croire en la présence de Jésus Christ, sans rien ressentir et sans chercher des signes. Mais nous n’en sommes pas encore là. Que le Seigneur nous donne de grandir dans la foi un peu plus chaque jour. Faisons-Lui confiance, et demandons-Lui de vivre chaque jour dans la foi, calmement, paisiblement, en s’abandonnant dans les 2 bras de Dieu le Père (Jésus Christ et l’Esprit Saint).

    Amen.

    A vivre dans la semaine : Je vous propose de prier avec la prière d’abandon de Charles de Foucauld : « Mon Père, je m'abandonne à toi, fais de moi ce qu'il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie. Je suis prêt à tout, j'accepte tout. Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d'autre, mon Dieu. Je remets mon âme entre tes mains. Je te la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon cœur, parce que je t'aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre entre tes mains, sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père. »

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